Nouvelles du Pérou confiné (30 mars 2020)

Deux semaines après la déclaration de l’état d’urgence nationale et le début de « l’isolement social » (confinement) décrété par le président du Pérou pour au moins 15 jours, nos centres restent fermés et notre responsable Rosario est confinée chez elle. L’état d’urgence a été prolongé jusqu’au 12 avril.

Le jour de la fermeture de nos centres, le 16 mars, nous lui avons demandé de payer les salaires des chargées de centre et des professeures pour tout le mois de mars, et c’est ce qu’elle a fait, juste avant que les moyens de transports pour accéder dans la zone de nos centres ne s’arrêtent.

Depuis, elle reste en contact téléphonique avec Eugenia, dans le centre d’El Porvenir et avec Maria à Alto Trujillo.

Rosario

Rosario

Voilà ce qu’elle nous disait dans son courriel de dimanche 29 mars :

« Nous allons bien et nous espérons que vous aussi, vous allez bien. Comme je vous le disais, la quarantaine s’est étendue jusqu’au 12 avril, avec des mesures plus drastiques du gouvernement, notamment un couvre-feu de 20 heures à 5 heures, et nous espérons qu’à présent les gens vont éviter de sortir dans les rues.

Par Maria, j’ai su que Gloria et son mari vont bien. Elle voit passer les enfants qui habitent près du centre, comme ceux de Rocio. Je lui ai recommandé de leur dire de rester chez eux, mais elle m’a dit que ces gamins ne tiennent aucun cas des conseils.

Il restait 25 œufs dans le centre, et j’ai pensé qu’avec le prolongement du confinement ils allaient se perdre, alors j’ai dit à Maria de les répartir entre elle, Gloria et les mamans qui habitent près du centre (Fabriciana et Rocio), et qu’elle en profite pour recommander à Rocio de garder ses enfants à la maison. C’est ce que Maria a fait.

Son mari n’a plus de travail (il travaillait dans les champs à Viru, comme Fabriciana et beaucoup d’autres), car ils les ont débauchés avant la quarantaine et jusqu’à la prochaine saison (avril ou mai). Gloria dit qu’elle s’est inscrite au conseil municipal pour recevoir le panier de vivres car son mari travaille dans une entreprise de chaussures qui a dû fermer du fait de la quarantaine, et il est sans travail. Mais à la mairie, ils n’ont pas encore reçu de paniers et ils ne savent pas quand ils en recevront. L’entreprise Chevrolet aussi a dû fermer, et David est sans travail, alors il aide à la vente dans la petite boutique alimentaire d’Eugenia, avec toutes les précautions nécessaires, masque et lavage de mains. Les ventes se font à travers la fenêtre, comme c’est fréquent au Pérou.

Nous espérons pouvoir rouvrir les centres bientôt et avoir des nouvelles des enfants, mais ce ne sera pas avant la fin du confinement.« 

Dans l’hôpital de Belen à Trujillo, une femme est morte du coronavirus

Notre inquiétude est grande pour les familles qui vivent dans les zones où sont nos centres, car la majorité vit au jour le jour, de petits boulots temporaires, payés à la tâche ou à la journée. Le confinement les condamne à l’absence de travail, donc à l’absence de ressource pour vivre et nourrir leurs enfants. Certains sortent quand même dans les rues pour faire des ventes à la sauvette. Beaucoup sont inconscients des dangers liés à l’épidémie, ils continuent de vivre comme avant et se rassemblent à toute heure du jour et de la nuit.

Ainsi, dans la seule nuit de samedi à dimanche, durant le couvre-feu, près de 800 personnes ont été arrêtées et emprisonnées dans la région La Libertad, dont 110 personnes à Alto Trujillo et  20 à El Porvenir.

Des aides ont été prévues par le gouvernement pour les familles durant l’état d’urgence, comme le financement de nourriture pour les plus pauvres (décret signé samedi 28 mars). Les achats et la distribution seront à la charge des municipalités. Celles qui ont le plus de pauvres ont reçu le financement le plus élevé. C’est le cas de la commune d’El Porvenir où sont nos deux centres, elle va disposer d’un million de soles. On espère que cette aide va parvenir rapidement aux familles qui en ont le plus besoin, notamment  aux familles nombreuses des enfants de nos centres.

D’autre part, le paiement d’une prime de 380 soles (environ 100 euros) a été décidée pour aider les péruviens au chômage du fait du confinement. Ce paiement est effectué par une banque dans chaque région. C’est ainsi que samedi 28 mars, dès 6h du matin, une file s’est formée devant la Banque Nationale de Trujillo, pour recevoir ce paiement. On observe sur la vidéo du journal La Industria que les dizaines de personnes qui attendent leur tour ne respectent pas les distances obligatoires, loin s’en faut !! Beaucoup ont un masque, mais pas toutes.

Certaines banques ont décidé de geler les dettes faites avant l’épidémie, sans intérêt.

A ce jour (le 30 mars), l’épidémie se développe dans tout le pays, principalement à Lima et dans 18 régions. La région La Libertad compte 19 cas de personnes infectées au coronavirus et un mort. Au total, c’est 852 contaminations pour tout le pays, 107 hospitalisés, 40 en soins intensifs et 18 décès. La région de Trujillo se prépare, comme le reste du pays, en équipant ses hôpitaux et en prévoyant dores et déjà d’installer des lits d’hôpitaux dans un gymnase (hôpital de campagne). Mais les autorités insistent pour que chacun respecte le confinement, car ses moyens seront vite insuffisants. Les contrôles de police se sont renforcés, on ne peut plus circuler en voiture dans les rues sans une autorisation temporaire, délivrée uniquement pour les services prioritaires.

A Trujillo, on désinfecte les rues et les locaux publiques 3 fois par semaine, la nuit, pour prévenir l’infection.

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