Enquête sur les enfants des centres et l’école virtuelle (Rosario, le 10 mai 2020)

au centre d’El Porvenir, les parents attendent de recevoir leur sac de vivres

Au Pérou, l’état d’urgence sanitaire a été décrété le jour de la rentrée des écoles (le 16 mars). Celles-ci sont donc restées fermées depuis, ainsi que nos centres.
Début avril, une école virtuelle a été mise en place par les autorités éducatives, basée sur Internet pour les étudiants, et sur WhatsApp, la radio et la télévision pour les enfants de primaire et secondaire.
Le 29 avril, à la faveur d’une deuxième distribution de vivres à nos familles, une enquête sur la manière dont les enfants de nos centres peuvent accéder aux cours virtuels a été réalisée auprès des parents par Gloria (pour Alto Trujillo) et David, le fils d’Eugenia (pour El Porvenir).
Rosario nous en fait la synthèse :

distribution dans le centre d’Alto Trujillo

« Les familles de nos enfants sont très pauvres, et les problèmes qu’elles ont face à l’école virtuelle sont les suivants :
– PAS D’INTERNET (principal problème pour les étudiants)
Avant la quarantaine, les jeunes faisaient leurs devoirs et leurs recherches dans les centres Internet qui existent dans la zone, pour un coût de 1 sol de l’heure. Mais à présent on n’a plus le droit de sortir de chez soi, et ainsi, pour beaucoup d’entre eux qui n’ont pas Internet, ce n’est plus possible d’étudier.
– PROBLÈMES AVEC WHATSAPP
Les parents disent que la majorité de leurs enfants de primaire et secondaire ont des cours via WhatsApp. A partir des textes reçus, chaque enfant doit développer le thème, et envoyer son travail via WhatsApp aux enseignants. Mais déjà, cela suppose de pouvoir payer une recharge pour le téléphone, qui coûte 5.00 soles et ne leur dure qu’une à deux semaines selon Gloria. Le problème c’est aussi quand il y a 2 ou 3 enfants et un seul téléphone portable de la mère ou du père. Alors, les enfants se disputent le téléphone et souvent ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs.
– PROBLÈMES AVEC LA TV ET LA RADIO
Les cours sont aussi donnés à la télévision et à la radio, et pour certains de nos enfants, c’est le seul moyen d’y accéder. À El Porvenir, 16 enfants sont dans ce cas, la plupart de mères seules. Ils peuvent écouter les cours mais ne peuvent pas faire leurs devoirs si personne ne les aide. A Alto Trujillo, c’est le cas d’au moins 6 enfants. Pour faire leurs devoirs, certains se débrouillent, ainsi Rafael et Sebastien se sont regroupés avec quelques compagnons qui ont un portable avec WhatsApp, ce qui leur permet de faire leurs devoirs (mais pas toujours). Quant à Marck Antony et Luis Fernando, ils se font aider par une voisine chez qui ils reçoivent leurs cours via WhatsApp.
– DIFFICULTÉS DES PARENTS A AIDER LEURS ENFANTS
Depuis le 29 avril, les parents ont reçu des directives pour guider leurs enfants dans l’accomplissement des devoirs. Mais peu de parents de nos enfants en sont capables, certains même sont analphabètes, d’autres n’attachent aucune importance à la scolarité de leurs enfants.
En juin, il est possible que des établissements scolaires rouvrent et que des cours présentiels redémarrent, selon les informations données à la télévision. Ils se feront progressivement, en respectant les protocoles sanitaires (chaque salle de classe sera répartie en deux tours pour éviter l’agglomération des enfants), mais attendons que le Gouvernement nous en dise plus, et espérons qu’il en soit ainsi !
Le Président a prolongé de 2 semaines la quarantaine, jusqu’au 24 mai, car le pays est encore au pic le plus haut de l’épidémie. Les gens n’ont pas tous pris conscience du danger, beaucoup sont dans l’obligation de faire des petits boulots pour survivre, et de nombreux marchés restent des lieux de contamination malgré les efforts pour les règlementer. C’est pourquoi les autorités durcissent le couvre-feu et prennent des mesures drastiques, certains marchés sont carrément fermés... » (Rosario, le 10 mai 2020)
Après deux mois de quarantaine, le Pérou est en proie à une crise alimentaire, en plus de la crise sanitaire sans précédent. Nombreux sont ceux qui souffrent de la faim, certains mendient dans les rues. Les exodes se multiplient, des gens partent de Lima pour rejoindre leur région d’origine après plusieurs jours de marche, le ventre vide. Les aides prévues par le gouvernement pour les plus pauvres ne leur parviennent pas dans les zones de nos centres. Nous prévoyons une troisième distribution de vivres aux familles des enfants avant la fin du mois de mai.
Nous étudions aussi la possibilité d’une reprise de la distribution des aliments aux enfants par nos centres. Mais tant que le virus circule, ce serait sous forme de parts à emporter et à manger chez soi, afin de préserver la sécurité des enfants et du personnel de nos centres. En effet, il nous est impossible d’adapter nos locaux exigus aux normes sanitaires en vigueur, aussi bien pour y faire manger les enfants que pour leur donner des cours de soutien scolaire.
Affaire à suivre…

 

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